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 Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire

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2 participants
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Naqqah
Maker de Légende Lv 46
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Naqqah


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Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire Empty
MessageSujet: Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire   Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire Icon_minitimeMer 21 Déc 2011, 18:58

Midi six. Vincent Pavot sort d’audience. Le bruit de ses semelles dures sur le sol dallé, résonnent tout le long du couloir. Le tribunal est fait d’un vieux bâtiment qu’on aurait dit renouvelé plusieurs fois. Du moins, qui aurait subit des travaux qui n’auraient jamais été finis. Mais non. Le tribunal est un bâtiment plus que laid dans lequel il ne devrait pas se trouver. Les pierres absorbent l’humidité et réverbèrent les bruits, le sol semble fait de carreaux rouges cassés en tous sens, la peinture blanche des fenêtres commence à s’écailler et le froid qui règne dans le corridor est digne d’un pays du grand Nord. Mais les pays du grand Nord, eux, sont beaux. Cet endroit là paraît dénué d’intérêt. Des bancs, sans dossier, sont disposés à égale distance les uns des autres, tout au long du couloir, un pour chaque salle. Vincent, lui, sort de la plus grande salle. C’est un homme d’âge mûr qui travaille comme procureur depuis maintenant longtemps et est considéré comme excellent. La mine renfermée, les yeux pleins d’indifférence, il distribue les peines sans vraiment voir l’accusé. Pour lui, il a un travail : mettre la personne sur le mauvais banc à l’ombre. Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire. C’est une vie comme il l’envisage. Son téléphone sonne, il décroche après un rapide regard sur le numéro. Un certain Renier. Le type veut de Vincent qu’il s’occupe d’une petite affaire du vol dans un bureau de tabac. L’affaire semble dénuée d’intérêt mais elles le sont finalement toutes. Vincent promet d’y réfléchir et raccroche. Il ferme sa veste et fait défiler, du bout des doigts, son répertoire téléphonique : « Amis : 1 », « Famille : 0 », « Travail : 167 ». Vincent n’est pas très sociable. La seule personne qui peut le supporter dans la vie quotidienne est celle qu’il va appeler, Jonathan Triest, un homme du Ministère de la Justice et des Libertés, un homme haut placé. Disons qu’il est assez bien placé pour avoir tous les avantages du Ministère sans en avoir les inconvénients. Un de ces privilégiés dont le rôle est extrêmement convoité. Mais bien sûr, il est indispensable. Peu savent ce qu’il fait. Beaucoup lui demandent des services quelconques. Soit il les exécute, soit il les délègue, car il peut les déléguer. Mais ils sont toujours rendus. Jonathan a des principes. Lui et Vincent conviennent d’un rendez-vous dans l’habituel café, L’Or Noir, un coin sympathique où ils peuvent boire et manger.

« Bonjour, voulez-vous commander ? »
La serveuse est une jeune fille, habituée aux visages des deux amis. Elle apprécie Jonathan autant qu’elle n’aime pas Vincent. Comme dirait Jonathan, elle incarne la fraîcheur et la légèreté. Vincent s’en fout. Il ne lui criera pas dessus tant qu’elle ne fait pas de bourde, c’est tout. C’est quelqu’un de passage, une personne secondaire. Elle n’a d’intérêt que lorsqu’elle prend la commande et l’apporte. Il ne peut d’ailleurs pas se rappeler son visage, bien qu’il vienne au minimum chaque jeudi. Vincent n’est pas une personne bien. Il commande un café et Jonathan fait de même puis demande aussi un américain. Jonathan, lui, est plein de vie. Il aime décrire les gens, dire à quoi ils le font penser, comment il les imagine. Il est joueur et parie tout et rien, va jusqu’au bout de ses idées et se plait à charmer seulement pour s’amuser. Bref, il a vingt-sept ans et est célibataire. Néanmoins, on lui donnerait bien une trentaine d’années passées grâce à un physique mature et charmeur. La serveuse sourit et repart.
« Renier, tu connais ? »
Renier s’étant présenté comme un employé du Ministère, Vincent a préféré demander son avis à Jonathan. Celui-ci, qui papillonne du regard, revient vers Vincent et lève les sourcils.
« Renier ? Denis Renier ? Hé, Denis c’est une fouine, un con. Ce type n’est capable de rien faire alors il va voir à droite à gauche pour faire semblant d’être compétent. Peut-être qu’il essaie de m’imiter, rit-il. Pourquoi ?
- Ce type m’a appelé pour du boulot. Il veut que je bosse sur une affaire de… vol de tabac ? Je crois qu’il ne comprend pas que je ne bosse pas là-dessus d’habitude, répond Vincent. »
La serveuse arrive avec la commande, sourit à Jonathan, qui lui rend son sourire, et donne l‘addition. Elle pose une coupelle avec du sucre et des doses de lait sur leur table. Jonathan la remercie puis elle part. Il regarde alors le café qu’il aime tant. C’est un bâtiment neuf pourtant fait à l’ancienne, avec ses poutre apparente, ses tables entourées de banquettes à l’américaine, son mobilier en bois, ses deux salles — les salles sont séparées par une paire de marche, donnant une particularité supplémentaire au lieu — et la fameuse odeur de café fraîchement moulu en salle même. Le mieux est que la cuisine — dans laquelle sont faits certains repas rapides, pâtes, sandwichs, frites, etc. — est séparée des salles de façon suffisamment hermétique pour que l’odeur ne vienne pas gâcher le plaisir. C’est un endroit que les habitués ne font que recommander et qui, pourtant, n’est jamais surchargé. Jonathan y passe presque tous les jours, que ce soit le matin pour des croissants et un café ou le midi pour un américain quand l’envie l’en prend.
« Je dois m’en occuper ?
- Hem… Ouais, affirme Jonathan, après hésitation. Ouais, vaut mieux. Ne fais jamais chier le Ministère ou quiconque qui s’y trouve, première règle.
- Ça t’arrange ça, non ? »
Vincent décide malgré tout d’accepter l’affaire. Il boit son café noir pendant que Jonathan mange son américain. C’est tout doucement que leurs tasses se vident, que leurs estomacs se remplissent.
« Elle est mignonne la serveuse, elle t’irait bien », raille Jonathan.
Vincent finit sa gorgée, puis soupire :
« Je n’ai plus l’âge pour ces conneries, Jonathan. C’est plus ton genre que le mien.
- Vois-tu, en ce moment, moi non plus, je n’ai pas la tête à ça.
- Toi ? Tu es sérieux ? »
Bien sûr, Jonathan n’a pas envie d’en parler. Il évoque juste une grosse affaire très inhabituelle qui lui prend tout son temps. Il dévie la conversation comme il sait le faire puis part, laissant Vincent pantois. Ce dernier finit sa tasse et regarde par la fenêtre. Il commence tout juste à pleuvoir. Une pluie de novembre, belle comme une chanson, qui affole les passants, les faisant presser le pas pour rejoindre leurs bureaux, retrouver leurs petites et insignifiantes affaires personnelles. C’est une course contre la montre, une course contre le temps qui s’engage pour ces personnes, qui s’engage toujours et tout le temps. Vincent déplore cette mentalité, ce système. Aujourd’hui, des cinquante personnes qu’il a vu passer à l’instant, sûrement aucune n’a pris le temps de s’asseoir pour boire un café. Il prend sa veste posée sur le dossier de la banquette, l’enfile puis sort. Il n’a aucun dossier à gérer l’après-midi mais préfère passer à son bureau, histoire de régler deux trois détails avec sa secrétaire qui, elle, travaille jusqu’à dix-huit heures trente.

Les fêtes approchent. L’affaire du vol a déjà commencée pour Vincent et, bizarrement, l’accusé est entendu par des jurés. Vincent a appris plus tard qu’une balle perdue a touché une cliente. La vie est moche. Quoiqu’il en soit, Vincent s’applique à son habituelle tâche, convaincre le jury. Rien de plus simple : des mots empreints de l’émotion qui les touche le plus placés au bon moment sur un ton neutre, pour éviter de sembler subjectif, suffisent. À chaque mot, à chaque phrase, il gagne petit à petit l’assemblée, à chaque seconde qui passe, l’accusé est toujours plus condamné. Marcher à petits pas sûrs, c’est la technique. Pas de bond démesuré, juste des petits pas. Garder ses appuis, c’est le secret. Être certain que tout que l’on affirme aura une portée, ne pourra pas être démonté, c’est la ruse. Il n’y a pas d’autre moyen pour gagner un procès aussi sûrement que Pavot. L’avocat ne voit rien passer. De toute façon, l’avocat est une loque. L’avocat est intéressant, il a tout un passé amusant. Disons que c’est préférable de savoir comment il en est arrivé là.
Julien Boncourt est le fils d’un des plus grands avocats de son temps. Maximilien Boncourt, un grand homme, droit, fervent, intelligent, posé, réfléchi. On l’aurait dit tout droit sorti d’une famille noble, de ces personnes qui imposent un respect comme taillé dans du roc. Comme un grand chêne noble. Magnifique, royal. Une barbe grise, de petits yeux bleus perçants, un front dégarni, de grandes mains. Il n’avait perdu que ses premiers procès. Il avait appris de ses erreurs, ne les refaisant jamais. Si vous voyez ce que Maximilien Boncourt pouvait dégager comme aura, vous pouvez deviner ce que son fils dégage en imaginant tout le contraire. Un homme recourbé, peu sûr de lui, que la clope fait tousser, aux doigts calleux et décharnés. On peut même se demander s’il est vraiment le fils biologique du grand avocat qu’était son père. Tout ne s’explique pas forcément car on ne peut pas tout expliquer. Il est la pure négation de son nom, resté connu à travers la figure d’un homme humble et fiable. Même ses costumes paraissent dégoûtés de cet homme tant ils le portent, tant ils lui vont mal. On dirait un gros mensonge, Dieu seul sait pourquoi. Quand son père est mort, Julien a hérité d’un gros pactole. Il avait fait ses études d’avocat et a laissé tomber les affaires pendant quelques temps. Puis il a pris la grosse tête. Il a aussi agrandi sa gueule et a commencé à cracher sur les personnes auxquelles il ne faut pas toucher. Il était jeune, on l’a bridé, on l’a brisé. Quand il a voulu reprendre les affaires, le moral n’y était bien sûr plus. Sa conjointe l’a quitté peu après. Il a commencé à fumer et est devenu ce qu’il est. L’épopée d’un imbécile.
C’est au détriment de cet homme que Vincent gagne le procès. Officiellement, les jurés sont en débat. Ce n’est qu’après deux semaines que le jugement final sera rendu mais, bien sûr, les esprits sont déjà forgés et les idées se sont ancrées dans les influençables têtes des jurés : il est coupable. Néanmoins, Vincent ne parie pas sur plus que quatre ans. L’homme n’a perdu qu’une balle qui n’a blessé ¬— certes, gravement, mais tout de même — qu’une seule personne. Il aurait même réussi l’affaire si l’accusé prenait quatre ans. Il ose tout de même espérer une peine de deux ans avec deux autres de sûreté, après tout. Il ne le saura que dans deux semaines. Tant pis. Après tout, au départ, il ne voulait pas de cette affaire. Il sort du tribunal et remonte le col de sa veste à cause de la pluie. Enfin, ce n’est pas vraiment une pluie. C’est plus un crachin, malsain et dégoûtant, qui s’insinue, se faufile, trouve un chemin pour mouiller les gens, les exaspérer, les ennuyer. Le crachin qui nous mouille sans qu’on s’en aperçoive. C’est sous cette immondice que Vincent se rend chez lui. Il prend ses clés, ouvre sa voiture, sa belle voiture, bien sûr, et démarre.

Son appartement est sobre mais luxueux. Il n’a qu’une grande chambre. Son séjour est plutôt grand et au milieu s’y trouve une grande table basse en verre. Son canapé d’angle en cuir donne sur une télévision à écran plasma que peu peuvent s’offrir. Sa salle à manger ne comporte pas beaucoup de meubles : une longue table en chêne et quelques fauteuils en rotin. Il a de lourds rideaux unis aux fenêtres, réduisant la lumière entrant dans son appartement. Sa salle à manger, donc, donne sur une cuisine américaine avec tout le mobilier dernier cri. Il prend un verre d’eau et s’assoit sur une de ses deux chaises de cuisine, des chaises métalliques, comme la table. Une fois fini, il pose son verre sur son plan de travail, met sa veste sur son porte-manteau et se dirige dans sa chambre. Sa chambre a un lit double, lui aussi grand, bas. Sur la seule table de nuit se trouve un épais livre relatant la vie d’un indien, dans les alentours du Mexique, pendant la colonisation. Il le prend et le repose dans sa bibliothèque. Ah, oui, sa bibliothèque. C’est une grande bibliothèque, bien sûr. Mais plus que ça. Elle fait tout un mur de sa chambre, déjà grande, soit plus de sept mètres de long et près de trois mètres de haut. Des livres, on pouvait en mettre. Pourtant, elle était pleine, ou presque. Vincent avait des centaines et des centaines de livres, des épais et des fins, des vieux et des neufs, des grands et des petits, des bons et des moins bons. Il en avait sûrement plus que certaines librairies. Il ne les avait pas tous lus, non, mais semblait bien décidé à les lire un par un. Du temps libre, ce n’était pas ce qui lui manquait. Au contraire, il en avait, trop sûrement. Sinon, il n’aurait pas cette bibliothèque. Elle représente donc le principal passe-temps de Vincent, le passe-temps par défaut. Il lit aussi les nouvelles dans les journaux. Sur internet. Les regarde à la télévision. Il sait tout ce qu’il se passe, a un avis sur tout et critique tout. En bien ou en mal, qu’importe. Il est impliqué et incollable. Voilà son deuxième passe-temps le plus important. Ensuite, quand il en a envie, les week-ends par exemples, il regarde de vieux films — des films cultes, du moins. Vincent est un homme simple, extrêmement simple. Dans ses actions du moins.
Vincent est quelqu’un d‘extrêmement pessimiste. Non pas qu’il croit toujours à la défaite mais plutôt qu’il ne croie pas en la race humaine. Il est donc misanthrope. Il évite les rapports humains qui, pour la plupart, sont remplis d’une doucereuse hypocrisie. Il n’apprécie la façon dont les gens se parlent, les sentiments qu’ils dégagent trop fortement. Ces sentiments ont coûté bien trop de vies et c’est pourquoi il les évite. Dans un sens, cela semble presque logique : Vincent est du mauvais côté. Aurait-il mieux vu le monde s’il avait été avocat ? Pas sûr, mais il persiste un doute. Il est procureur, voit les accusés et les coupables, les meurtres et les tortures, les viols et les coups. Il ne voit pas les innocents, les plaidoyers. Juste la souffrance.
Le jeudi suivant, il se rend comme d’habitude à l’Or Noir. C’est une journée plutôt claire, six jours avant Noël. Dehors, la température, bien que fraîche, est nettement supérieure à la température des jours derniers. L’Or Noir est davantage plein qu’avant, les rues sont bondées et l’odeur de vin chaud emplie les narines des passants, pressés de trouver un cadeau pour le neveu ou le cousin. Vincent boit son café à petite gorgée, se frotte les mains pour les réchauffer et, surtout, attend Jonathan. Celui-ci se fait sûrement désirer en décidant quel costume acheter car « l’apparence reflète bien des choses ». Quand celui-ci arrive, Vincent commande un deuxième café. Jonathan demande alors d’ajouter un chocolat chaud. Il retire sa veste, la pose sur l’assise du banc et s’assoit.
« Alors, ton affaire ?
- Elle sera conclue dans deux semaines. »
Un blanc s’installe. Pas un froid, juste un blanc. Ça arrive souvent entre eux. Vincent n’aime pas parler pour ne rien dire alors Jonathan économise sa salive. Ça les arrange tous les deux finalement. La serveuse arrive avec le chocolat chaud et Vincent demande la note.
« Et toi ? Le travail ? »
Un nouveau blanc. Moins long mais plus intense. Celui-ci cache quelque chose. Celui est plein de sous-entendus, plein d’engagement. Il n’est pas là pour rien, il veut dire quelque chose.
« Eh bien… Le travail… C’est bien que tu poses la question parce que… eh bien, ça te concerne, commence à répondre Jonathan.
- Comment ? Une affaire ? »
Encore le même blanc. Jonathan répond qu’il ne s’agit pas d’une affaire comme les autres.
« C'est-à-dire ?
- Hem… C’est compliqué. Tu vois le projet dont j’ai pu faire allusion ? C’est ça. On a… une proposition pour toi, au Ministère, continue Jonathan pendant que Vincent hoche la tête pour l’inciter à continuer. Tu vois l’affaire Pavry ?
- Accusée de meurtre, dix-sept ans à l’ombre, n’en a fait que douze car elle a été innocentée, oui ?
- Eh bien, le Ministère a eu quelques problèmes à sa libération. Elle s’est suicidée. Les recherches ont démontrées, bien que c’était évident, qu’elle n’avait pas pu réintégrer la société. »
Jonathan s’arrête. Il boit une gorgée de son chocolat.
« En quoi ça me concerne ?
- Bah, figures-toi que peu après, l’État a dû justifier le suicide et s’est très mal trouvé. Cela fait maintenant douze mois que les dernières enquêtes sont fermées et durant ces douze mois, on a cherché une solution à ce problème puisque Mme. Pavry n’est pas un cas isolé. Donc, l’État m’a refilé l’affaire. »
Jonathan s’arrête à nouveau, attendant une réaction de Vincent. Rien. Pas un geste, pas un mot, pas un battement de cil. On pourrait le croire mort. Il est juste impassible et attend la chute avec froideur.
« J’ai donc rédigé un contrat. Il t’est destiné, reprend Jonathan, qui reprend aussi son attitude habituelle. L’État a exigé que ce soit toi. C’est ce travail pendant un an ou le chômage.
- En quoi consiste le travail ?
- À réinsérer les accusés à tort en les accompagnants dans une vie sociale saine. Tiens, lis le contrat. »
Il sort de la poche intérieure de sa veste un contrat plié en deux. Une simple feuille A4. C’est tout. Une petite feuille A4 censée diriger un an de sa vie.
« Mais… merde, c’est même pas conventionnel ! Jonathan, c’est quand même pas toi qui as écrit ça ? »
Jonathan répond par l’affirmative. Selon le contrat, durant un an, Vincent devient « Tuteur de réinsertion sociale ». Durant un an, il doit se rapprocher de ses clients pour les réinsérer dans une vie sociale saine et digne.
« Bon, je suis inspecteur du travail, rien que pour toi. Si tu bâcles le job, tu repars pour un an de plus.
- Mais c’est illégal ! »
Jonathan répond que l’État, c’est la Loi. Il lui laisse une semaine et part sous les réprimandes de Vincent, n’y prêtant aucune intention. Vincent peste. Il sort du café en jetant un billet sur la table. Dehors, étrangement, il fait beau. Bien que ce soit l’hiver, c’est sous un soleil de plomb et une chaleur étouffante que Vincent rentre chez lui.
Lorsqu’il rentre dans son appartement, la différence est saisissante. Le froid qui y règne correspond à son ambiance. Il enlève sa veste et la met sur son porte-manteau, retire ses chaussures, se dirige vers la cuisine et pose le contrat sur la petite table métallique. Il se sert un verre d’eau, tire une chaise et s’assoit dessus. Il relit le contrat, bien trop léger à son goût. Il regarde derrière et voit, en petit caractères : « M. Triest est seul décisionnaire de ce contrat ». Il l’envoie à l’autre bout de la table dans un geste d’humeur, se lève et se dirige vers sa chambre. Il prend un livre sur sa table de nuit et commence à le lire. Néanmoins, à plusieurs reprises, il se surprend à lire sans lire, il se rend compte qu’il n’a rien retenu de ce qu’il lit. Il lance alors le livre à travers la pièce qui s’écrase contre la porte et retombe mollement, ouvert, sur le plancher en chêne. Il desserre le nœud de sa cravate, soupire, s’éponge le front avec le dos de sa main, va dans sa salle de bains — une riche salle de bains, vrai dire, avec sa douche italienne, ses meubles faits d’orme, ses vasques de verre poli transparent, ses robinets fontaine et son sol richement carrelé —, ouvre l’eau froide, ouvre son col de chemise et se mouille le visage à plusieurs reprises. Il se voit dans son miroir, vieilli et extrêmement mécontent. Il donne un coup dans le vide, ou plutôt dans l’eau, arrosant ses meubles. Il prend une serviette et essuie méticuleusement le tout. Il pose cette serviette sur son sèche-serviette et sort de la salle de bain. Il repart dans la cuisine, lit et relit le contrat, désespérant toujours un peu plus. Il reste une demi-heure assis chez lui, à ne rien faire. La simple perspective de devoir aider des gens dans le besoin l’effraie. Il ne sait pas le faire. Réinsérer quelqu’un dans une vie sociale saine ? Mais comment peut-il faire ça, lui qui n’en a pas ? Lui qui, en plus de ne pas avoir de vie sociale saine, n’a pas de foutue vie sociale. Et passer l’année à assister les personnes qu’il doit — devait — mettre à l’ombre ? Ces principes de « mettre le coupable en taule », ce sont des inepties. Le but, c’est de mettre le gars qui est au mauvais endroit un peu plus profond dans des ennuis desquels on ne peut pas sortir indemne. Si le juge fait une erreur, ces personnes sont condamnées à vie. Là réside le principal problème de ce système vicieux, le problème qu’il doit régler. Il ne peut pas refuser, il doit se rendre à l’évidence, il va perdre une année et bien plus. Il connait Jonathan homme de parole. Il connait Jonathan homme soutenu. Il connait Jonathan diplomate. Il sait qu’il exécutera ses menaces si nécessaire. Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire. Ajoutez à ça un brin de désespoir et vous obtenez l’état d’esprit de Vincent. Il donne un grand coup sur sa table de ses deux poings, se lève, en fait tomber sa chaise, part dans sa chambre et se couche. Oui, il se couche. Habillé, sale. Mais il se couche aussi fatigué, soucieux.


J'écris ça sur du temps libre.
Par contre, je cherche à comprendre pourquoi, quand j'ai collé, un tiret cadratin s'est vu précédé d'un trait d'union conditionnel. C'est con. :o


Dernière édition par Naqqah le Mer 14 Mar 2012, 21:14, édité 4 fois
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Dragongaze13
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MessageSujet: Re: Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire   Pas d’espoir, pas d’échappatoire, seulement le purgatoire Icon_minitimeMer 21 Déc 2011, 20:32

J'aime bien mais c'est tellement glauque que je pourrais pas continuer. Huhu.

Il aurait même réussi l’affaire s’il l’accusé prenait quinze ans.

"si l'accusé"
Il y a aussi une faute avec un "toute" au lieu de "tout" mais je la trouve plus.
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